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Cinq leçons du 1er tour des Régionales 2021 en Auvergne Rhône-Alpes Empty Cinq leçons du 1er tour des Régionales 2021 en Auvergne Rhône-Alpes

Lun 21 Juin - 17:58
Drôle de soirée électorale hier, avec un Laurent Wauquiez qui semblait dépité malgré un score qui paraît lui assurer une victoire confortable dimanche prochain. Et pour cause, avec 43,79%, il obtient trois fois plus de suffrages que la deuxième liste, celle des écologistes (14,45%), qui avaient quant à eux nettement plus le cœur à faire la fête.
 Analyse de l'Arrière Cour  
par Romane Guigue 
et Raphaël Ruffier-Fossoul.


L’abstention met le Rassemblement National KO

Lors des municipales l’an dernier, l’abstention avait été particulièrement forte chez les personnes âgées, peu rassurées par la situation sanitaire. Cette fois, ce sont les jeunes qui ont massivement déserté les bureaux de vote. Mais ils ne sont pas les seuls. En Auvergne-Rhône-Alpes, moins d’un tiers des inscrits sur les listes électorales se sont déplacés au premier tour. Une abstention à 67,41% qui constitue un record pour des élections régionales et dont chaque candidat semblait chercher les motivations dimanche.
Pour le RN Andréa Kotarac, très déçu par son faible 12,33% qui le relègue à la 3e place, cela relève avant tout de la responsabilité de l’État et du fait qu’il y a eu des défaillances dans la distribution des professions de foi. « Je vois que la mission du gouvernement n’a pas été remplie et que les scores en sont déformés. Dans plusieurs communes, les professions de foi n’ont pas été reçues, contrairement aux lettres des maires LR qui incitaient leurs administrés à voter en faveur de Laurent Wauquiez. Et je mets Fabienne Grébert dans le même sac que Laurent Wauquiez. J’en appelle à un sursaut patriotique au deuxième tour. » Dans toute la France, constate-t-il, « le RN est 10 points en dessous de ce qui était annoncé dans les sondages ».
En pointant avant tout des raisons nationales à son échec, Andréa Kotarac évite toute remise en question de sa propre campagne. Force est de constater, pourtant, que la greffe Kotarac ne prend pas au RN. Transfuge de LFI, il avait déjà réalisé des scores extrêmement décevants aux élections métropolitaines. Cette fois, malgré une exposition nationale privilégiée – CNews en a notamment fait son chouchou, l’invitant plus que n’importe quel autre candidat de la région –, il réalise un des plus mauvais scores du RN en France.
Laurent Wauquiez, une victoire tristounette
Avec 43,79% des voix au premier tour, soit une dizaine de points de plus que ce qui lui était prédit, Laurent Wauquiez avait largement de quoi se réjouir dimanche soir, d’autant qu’il a connu dès 20 heures les proportions annoncées de son triomphe. Est-ce l’absence des militants en raison du Covid ? Tous les observateurs qui ont assisté à sa conférence de presse l’ont trouvé sobre, voire sinistre, se contentant d’une brève déclaration et sans consentir d’autre apparition médiatique de la soirée. On ne l’a notamment pas vu à la préfecture, où la presse est traditionnellement rassemblée et où, d’ailleurs, tous ses concurrents ont fait au moins un passage dans la soirée. Dans son discours, solennel, il a assuré les habitants de la région qu’ils pouvaient « compter sur [lui] » et s’est félicité d’avoir « assumé la valeur de la sécurité », thème auquel il a consacré l’essentiel de ses quatre minutes d’intervention, avant d’évoquer le cap d’une « nouvelle espérance après la crise, avec une santé plus accessible sur tous les territoires ».
Comment expliquer une telle retenue ? L’abstention ? Peut-être la crainte d’une démobilisation de ses électeurs qui pourrait rendre le deuxième tour plus incertain ? Ce résultat « est une grande satisfaction, évidemment, mais on l’accueille avec beaucoup d’humilité », indique Jérémie Bréaud, maire de Bron et tête de liste LR dans l’agglomération. « Très majoritairement, en Auvergne-Rhône-Alpes, les habitants ont vu qu’ils avaient une Région qui protège, qui est satisfaisante en matière d’emplois. Dans cette période difficile, la Région a su gérer la crise. Les gens ont confiance. Rien n’est joué pour le second tour, mais c’est toujours plus facile de partir avec des points d’avance. »
Même si l’intéressé s’en défend, une autre raison pourrait expliquer la sobriété manifeste du vainqueur du premier tour : forcé de se replier sur son mandat régional depuis le fiasco des élections européennes, Laurent Wauquiez avait très clairement espéré que ce premier tour des régionales marquerait son retour au premier plan sur la scène nationale. Les sondages l’annonçaient en effet en bien meilleure posture que Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France ou Valérie Pécresse en Île-de-France. Leur échec aurait éliminé d’un coup deux concurrents pour la présidentielle. Or, l’annonce, très tôt dans la soirée, du bon score de Xavier Bertrand a occupé l’espace médiatique… et occulté de fait la bonne performance du président d’Auvergne-Rhône-Alpes.

Le pari perdu de Bruno Bonnell…

Le député de Villeurbanne pensait faire une bonne campagne et rêvait même d’être le deuxième homme du scrutin. Bruno Bonnell termine finalement à la 5e place, en dessous de la barre des 10%. Avec 9,87% des suffrages, il lui aura manqué 2.271 voix pour se qualifier pour le second tour. « Il n’y aura pas d’alliance, donc non, la liste de la majorité présidentielle ne sera pas au second tour », confiait-il dimanche soir. Déçu mais pas résigné, le candidat de La République en marche considère surtout que le haut score de Laurent Wauquiez est davantage « mécanique que politique ». « Certains électeurs qui ne sont pas allés voter aujourd’hui se plaindront dans quelque temps de problèmes de fonctionnement. C’est une certitude. Et je ne peux que le déplorer. »
Le sourire aux lèvres malgré la déception, Bruno Bonnell assure que, même s’il ne siège pas au Conseil régional, il restera pour « militer sur le territoire ». L’ancien PDG d’Infogrames-Atari semble pourtant proche de quitter la vie politique, puisqu’il a déjà indiqué qu’il ne se représenterait pas aux législatives l’année prochaine. À moins que la possibilité de rejoindre le gouvernement ne se présente ? La fonction ministérielle lui plairait sans doute plus que celle d’élu local ou de parlementaire. Mais sur son CV, l’élimination de la majorité présidentielle en Auvergne-Rhône-Alpes est forcément un handicap.

… et de Najat Vallaud-Belkacem

Elle avait pris de la distance à l’égard de la politique après son échec aux législatives de Villeurbanne en 2017 face à Bruno Bonnell. L’ancienne ministre de l’Éducation aura eu au moins dimanche la satisfaction de passer devant son ancien rival et d’atteindre, elle, la barre des 10%, avec 11,4%. Mais ce n’était naturellement pas son objectif premier. En faisant le pari d’un retour dans des conditions difficiles, Najat Vallaud-Belkacem savait que le principal enjeu serait de reprendre aux écologistes le leadership de la gauche. Malgré une implication sérieuse, avec des propositions techniquement très (trop ?) réfléchies et quelques sondages qui lui ont donné des espoirs, elle a finalement perdu ce pari.
Dimanche soir, elle a fait contre mauvaise fortune bon cœur, s’efforçant de jouer avec le sourire l’union derrière Fabienne Grébert. « J’aborde ce second tour avec beaucoup d’énergie, de combativité et d’enthousiasme, j’apprécie vraiment Fabienne Grébert », confiait-elle à l’arrivée à la préfecture, assurant que les négociations ne seraient qu’une formalité. Les deux femmes ont d’ailleurs longuement affiché leur complicité dans les salons de la préfecture, alors que Cécile Cukierman avait déjà quitté les lieux. Avec 5,56%, la candidate communiste et LFI a gagné le droit de rejoindre l’alliance de gauche au second tour, mais pas de se maintenir seule. Elle sera donc tributaire des propositions de Fabienne Grébert.

La méthode Coué des écologistes

Peut-on emporter une élection régionale lorsque l’on fait 14,45% au premier tour et que le candidat sortant a obtenu près de trois fois plus ? Dimanche soir, les écologistes avaient envie d’y croire, à commencer par le maire de Lyon, Grégory Doucet : « La première leçon, c’est naturellement l’abstention. Est-ce le signe d’un certain désintérêt pour la démocratie participative ? Je le crois. Cela signifie qu’il faut continuer à s’intéresser aux nouvelles formes de démocratie. La convention citoyenne était une belle idée, qui a été dévoyée. Mais sinon, qui porte ces enjeux ? La gauche et surtout les écologistes. Cela fait que, pour le second tour, on a une vraie capacité à mobiliser. Cela va être passionnant. » Et le maire d’ajouter qu’« au-delà de l’abstention, la grande surprise, c’est Fabienne Grébert. Aucun sondage ne lui prédisait mieux que la 4e ou la 5e place. Et elle finit 2e. »
L’intéressée n’était pas en reste, arborant un sourire triomphal toute la soirée, de la préfecture au Pepper dans le 3e arrondissement, où les militants écologistes ont longuement fêté le résultat : « Comment ne pas être contente quand on voit le sens de cette élection ? Maintenant, il faut faire l’union, on va mobiliser tout le monde. Et oui, l’union peut suffire si l’on parvient à mobiliser les abstentionnistes. » La candidate écologiste a assuré être prête à « restaurer la confiance et à toucher à la vie quotidienne des gens ».
Si le score de Laurent Wauquiez au premier tour semble interdire tout optimisme à gauche, l’élimination du candidat macroniste est forcément une bonne nouvelle. « Les élections, ce ne sont pas des calculs d’arithmétique », prévient Grégory Doucet. « Ici, 1 + 1, ça peut faire 3 comme 0,5. Là, je pense que 1 + 1 + 1, Fabienne Grébert, Najat Vallaud-Belkacem et Cécile Cukierman, ça peut faire un bloc important si l’on parvient à mobiliser les électeurs. »
« La réserve de voix de Laurent Wauquiez est épuisée : les voix, elles sont à gauche ! », expliquait-il encore, confiant. Si le maire de Lyon affichait une telle satisfaction dimanche soir, c’est sans doute aussi parce que sa candidate a réalisé une bonne performance à Lyon, confirmant qu’« il y a un socle d’électeurs écologistes à Lyon ». Avec 22,66% dans la ville, les écologistes sont certes battus par Laurent Wauquiez (31,21%) mais ils maintiennent un leadership clair sur la gauche. Et la liste d’union devrait être en mesure de repasser devant la droite au second tour à Lyon.
 

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