Lanceurs d'alerte : "l'ennemi intérieur" élu meilleur ouvrage sur la transparence et l'éthique

« Nous avons créé ce prix avec nos amis de Transparency International France pour mettre en valeur les ouvrages grand public qui contribuent à nos objectifs communs d’éthique, de transparence et de lutte contre la corruption. » Au côté de Patrick Lefas, président de Transparency International, l’ancien député et grand pourfendeur des gaspillages publics René Dosière résume l’esprit du prix du Meilleur Ouvrage sur la transparence et l’éthique, créé par leurs deux associations. Pour sa première édition, le jury, présidé par le journaliste Thomas Legrand, a choisi de récompenser deux ouvrages : L’Ennemi intérieur, de Nicolas Forissier avec Raphaël Ruffier-Fossoul (Fayard), une enquête sur le lanceur d’alerte à l’origine de l’affaire UBS, et Les Infiltrés (Allary Éditions), de Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, consacré à l’utilisation des cabinets de conseil par le pouvoir exécutif.

L’annonce a été faite le jeudi 1^er décembre depuis un salon de l’Hôtel de ville de Paris où étaient réunis les auteurs des cinq ouvrages finalistes, qui comprenaient, outre les lauréats : Très chers élus (Revue dessinée et Delcourt), une BD d’Élodie Gueguen, Sylvain Tronchet et Erwann Terrier, sur les financements des partis et des campagnes électorales ; À l’oreille des politiques (Revue dessinée et Les Jours), un recueil d’enquêtes en BD sur les lobbyistes en politique ; L’Économie morale des élites dirigeantes de Pierre Lascoumes (Les Presses de Sciences-Po), sur le sentiment d’impunité des gouvernants.

Malgré la condamnation d’UBS France à un total de 1,8 milliard d’euros par la Cour d’appel de Paris en décembre 2021 – l’une des plus grandes condamnations financières prononcées sous la V^e République – qui confirme la qualité du lancement d’alerte effectué par Nicolas Forissier, ce dernier n’avait jusqu’alors jamais été honoré ni décoré. Réagissant à ce prix, le sénateur Éric Bocquet (PCF) a immédiatement annoncé qu’il allait renouveler une demande d’attribution de l’Ordre national du mérite à Nicolas Forissier. Une demande qui reste inexplicablement bloquée, et ce, malgré les milliards d’euros récupérés par les caisses de l’État grâce à ses révélations sur le système des « carnets du lait », qui a facilité la fraude fiscale de milliers de contribuables français.

Manifestement ému par ce « grand honneur », Nicolas Forissier a estimé dans sa brève allocution que « ceux qui trichent mettent en faiblesse notre système démocratique », mais que ceux qui agissent avec « éthique » étaient « suffisamment nombreux à tous les étages de la pyramide » et que leur action était le meilleur remède à la montée du « populisme ».

Le lendemain, Thomas Legrand revenait dans Libération sur ce prix, saluant « des auteurs indispensables pour le débat public et la démocratie » : « Vous ne les verrez pas souvent sur les plateaux de télé “bollorisés”, ni même, sans doute, sur les autres chaînes d’info, s’écharper et décrire un monde politique de “tous pourris” à coups d’anathèmes. Ils n’ont pas le temps. Quand sonne l’Heure des pros, eux sont sur le terrain pour déterminer ce qui est pourri, comment, pourquoi et qui ne l’est pas. Ils travaillent pour la nuance et le discernement, c’est-à-dire pour la vérité. »