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Date d'inscription : 04/05/2011
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10032020
#Municipales2020 - Une enquête de l'Arrière Cour :

Dans la métropole lyonnaise, que Gérard Collomb voulait «attractive», les prix de l’immobilier explosent et les moins aisés doivent renoncer au centre-ville. Une tendance qui pourrait remettre en question la survie même du modèle métropolitain. Une enquête d’Élie Guckert, illustrée par le talentueux auteur lyonnais Jibé. 

Pourra-t-on encore se loger dans le Grand Lyon dans un futur proche sans se ruiner ? Les records battus par l’agglomération lyonnaise en 2019 ont mis la question au cœur des débats des élections métropolitaines et municipales. Selon l’observatoire des loyers publié par LocService, le prix pour une surface moyenne de 48m² a augmenté de 4,20 % à Lyon, pour atteindre 719 €. La ville se plaçait également sur la première place du classement de la tension locative, à égalité avec Bordeaux, et devant Paris.
L’inflation immobilière est un phénomène qui touche les grandes métropoles mondiales depuis déjà longtemps. L’agglomération lyonnaise, l’une des pionnières de la métropolisation en France, en subit les premiers effets. La barre symbolique des 10.000 € le m² vient ainsi d’être franchie à la Croix-Rousse, avec un bien de 9,24 m² vendu à 95 000€, soit 10 280€ le m². « Je ne veux pas être le président des 10 000€ le m² à Lyon », avait pourtant réaffirmé David Kimelfeld, actuel président de la métropole et candidat à sa propre succession.
« On est sur quelque chose d’anecdotique, c’est un bien en particulier, dans une situation particulière », tente de relativiser Michel Le Faou, actuel vice-président Urbanisme et renouvellement urbain, Habitat et Cadre de vie et référent logement pour les campagnes de David Kimelfed à la métropole et de George Képénékian à la mairie. « Mais on ne prend pas ça à la légère ».
Pour Guillaume Faburel, professeur à l’Institut d’urbanisme de l’université Lyon-2 et auteur du livre Les métropoles barbares (Le passager clandestin, 2019), ce seuil représente bien plus qu’une anecdote : « Le franchissement de la barre des 10 000 €, à La Croix-Rousse comme au niveau national, devrait servir de signal d’alerte », prévient-il.

Des habitants repoussés vers la périphérie

Des anecdotes, certains habitants historiques de Lyon en ont d’ailleurs beaucoup à raconter. « J’étais propriétaire d’un appartement rue Paul-Bert », raconte Marie-France Antona, 67 ans, militante au sein du Comité d’habitants et de commerçants du quartier Moncey. « Je l’ai vendu voici trois ans avant de partir vivre en Corse. Quand je suis revenue, il y a trois mois, son prix avait doublé », passant de 3 000 à 6 000 € le m². À son retour de l’Île de Beauté, la retraitée n’a pas pu trouver une location dans le quartier. « C’est beaucoup trop cher ». Après avoir vécu pendant 40 ans dans le 3e, elle a dû se rabattre sur un autre quartier, dans un logement plus petit que celui dont elle disposait avant son départ.
Même son de cloche chez Alix, 30 ans, intermittente du spectacle et fondatrice du collectif La Guillotière n’est pas à vendre. En plus de 10 ans à « la Guill’ », elle a déjà dû quitter deux appartements, en 2014 puis en 2017, à chaque fois en raison d’une démolition programmée des immeubles, jugés trop vieux. Et elle se prépare à devoir déménager une fois de plus. « Mon proprio veut vendre », rit-elle nerveusement. « Parce que les prix sont montés en flèche et qu’il va réaliser une belle opération financière. En ce moment je regarde les annonces à la Guillotière, parce que je ne veux pas quitter le quartier, mais ça devient très compliqué. »
Marie-France donne aussi l’exemple d’une habitante du quartier Moncey qui vit depuis de nombreuses années dans un appartement de 90 m² qu’elle a la chance de ne payer que 400 €, tarif devenu fort rare. « Mais la métropole a vendu son immeuble à Grand Lyon Habitat, qui fait tout pour qu’elle s’en aille », dénonce Marie-France. Objectif de l’organisme : pouvoir réaligner le loyer sur les prix actuels du marché. « En échange, ils lui proposent des logements à Vaulx-en-Velin ou à Vénissieux », déplore-t-elle.
« Lyon et son agglomération sont bien attractives », résume Olivier Brachet, qui avait démissionné de son poste de vice-président au logement à la métropole en 2015 en raison justement de ses désaccords de fond avec Gérard Collomb sur ce sujet. Mais le résultat, c’est que cela attire les plus riches, ce qui fait monter les prix. Pour Collomb, c’est la preuve que ça va bien.  Mais en fait, on assiste au final à un appauvrissement de la petite classe moyenne, progressivement renvoyée en périphérie. »

Le « grand remplacement » ?

Pour les militantes de la Guillotière et du quartier Moncey, c’est bien une stratégie de remplacement de population qui est à l’œuvre : attirer les hauts revenus, et chasser les autres. « Moi j’appelle ça du grand remplacement ! », ose même Marie-France, dans une version en miroir de la théorie de l’auteur d’extrême droite Renaud Camus. « Quand je vais chez mon amie du quartier Moncey, je ne croise plus le même genre de personne qu’avant dans l’ascenseur », remarque-t-elle. « L’école Painlevé était auparavant constituée de 96 à 99 % d’enfants issus de l’immigration. Aujourd’hui, c’est une école branchée pour bobos, totalement caricaturale. »
Une « gentrification » déjà pointée par l’INSEE, dans une étude de 2016 qui, en citant entre autre l’exemple de la Guillotière, évoquait une proportion de cadres en augmentation « spectaculaire ». Le résultat, selon l’organisme, de grands aménagements lancés dans les années 1970.
Le phénomène ne date donc pas d’hier. « Mais avec la métropolisation, le rythme de croissance du prix au m² est dorénavant bien plus rapide », assure Guillaume Faburel. « Et les mutations sociologiques qui l’accompagne s’opèrent à une vitesse sans précédent. »
« Les élus dénoncent l’insalubrité pour détruire les immeubles avant de les transformer en trucs modernes et chers, mais en même temps on constate un laisser-aller total côté entretien et rénovation », déplore Alix. « Depuis 2016, la Guill’ compte plus de cadres que d’ouvriers. Cela se voit dans le bâti, mais aussi depuis deux ou trois ans dans les types de commerce. Dans mon quartier je découvre des nouveaux concept-stores tous les jours. Ils avaient même ouvert un bar à corn-flakes ! ». Alors que, selon elle, les petits artisans disparaissent, poussés dehors par des baux commerciaux qui n’échappent pas non plus à l’inflation immobilière.
Marie-France et Alix, attachées à l’identité de leurs quartiers, se demandent si elles auront longtemps envie de rester dans une métropole à ce point remodelée. L’auteur des Métropoles barbares discerne d’ailleurs « un désamour croissant pour la Métropole. Les « key workers », ceux dont la métropole a encore besoin et qui mettent 35 minutes pour aller bosser le matin, sont aujourd’hui poussés à l’éloignement. D’autres groupes sociaux pourtant bien dotés et qui pourraient trouver chaussure à leur pied décident de s’en aller aussi. C’est un manque à gagner pour les services, les équipements et les commerces centraux dans les métropoles. »
« On observe un reflux de l’idée intercommunale », confirme Olivier Brachet. Pour l’ancien vice-président au logement, « il faut d’urgence se reposer la question de pourquoi on fait la métropole, et si c’est un avantage ou un inconvénient. »

Construire plus ou « ralentir » la métropole ?

L’ensemble des rivaux de Gérard Collomb aux élections municipales et métropolitaines, tout en reconnaissant qu’il a mené une politique « ambitieuse » sur le logement social, dénoncent aujourd’hui sa volonté politique d’attractivité à tout prix. « Quand on met en avant l’attractivité de la ville, il faut aussi l’accompagner », tacle Michel Le Faou, affirmant que cet accompagnement n’a pu commencer qu’avec le mandat de David Kimelfeld. Ce dernier a lancé un Plan d’urgence pour l’accès au logement au printemps dernier et a également augmenté le budget alloué au logement. Ce budget atteint actuellement 40 millions. Michel Le Faou parle de le faire monter jusqu’à 70 millions, « afin de financer le logement conventionné et l’Office foncier solidaire ».
Mis en place en septembre dernier, l’Office foncier solidaire doit permettre à la métropole de proposer des propriétés en dissociant le prix du foncier, pris en charge par la collectivité, du prix du bâti, pris en charge par l’acheteur. L’objectif : produire chaque année 950 logements 20 à 30 % moins chers qu’au prix du marché. « Nous n’avons pas à rougir de ce que nous avons fait », affirme Michel Le Faou. « Nous sommes en phase avec nos objectifs et nous avons amorcé le rattrapage nécessaire. Nous sommes même passés de 17 % de logement sociaux dans la ville de Lyon au début du mandat à quasiment 21,6 % aujourd’hui », affirme Michel Le Faou.
Des dispositifs qui sont validés sur le fond par les référents logement des équipes de campagne que nous avons interrogées. « Mais tout ça aurait dû être fait il y a dix ans ! », soupire Stéphane Guilland, tête de liste dans le 8e pour Bleu Blanc Lyon. Tout en prenant bien soin de rappeler son identité « libérale de droite », le porte-parole d’Étienne Blanc assure : « L’Office foncier solidaire, j’en parlais moi-même dès 2015, et je le faisais en prenant exemple sur Martine Aubry, qui venait alors de lancer l’idée à Lille. »
« Nathalie Perrin-Gilbert l’avait proposé dès 2014 », affirme également Laurent Bosetti, tête de liste pour Lyon en Commun dans le 7e. « C’est une bonne chose que Kimelfeld l’ait enfin mis en place. Mais nous souhaitons y allouer un budget plus important que les 4 millions actuels pour rattraper le retard. » Son camp, à l’unisson des Verts et des socialistes, entend aussi mettre en place l’encadrement des loyers, comme le permet la loi Alur depuis 2014.
« Mais ça n’enlève rien au fait qu’il faut proposer un contre-modèle métropolitain, donc une révision du Plan local d’urbanisme et d’habitat (PLU-H) », ajoute Laurent Bosetti. « C’est ce qui nous différencie de l’exécutif sortant et des autres listes de gauche qui ont adopté ce modèle et qui ne le remettent pas en question. » On parle ainsi de « ralentir la métropole », « d’opérer un rattrapage de la qualité de vie » et d’arrêter de « courir après la croissance démographique », le PLU-H prévoyant d’accueillir 150 000 habitants supplémentaires d’ici 2030. Sans quoi les « correctifs » mis en place par David Kimelfeld n’auraient aucun effet.
Chez les Verts, on estime aussi que la métropole est déjà suffisamment attractive et qu’il faut arrêter de construire à tout-va. « Ce que nous proposons, c’est de collaborer avec d’autres villes en Auvergne-Rhône-Alpes, notamment Saint-Étienne où se trouvent beaucoup de logements vacants avec un prix du m² très faible et peu d’emploi », avance Luc Voiturier, tête de liste dans le 7e pour Maintenant Lyon. « On pourrait redynamiser ce type d’agglomération en tissant des partenariats économiques et développer aussi l’emploi dans les villes autour de Lyon. »
Irréaliste pour Stéphane Guilland : « Les 150 000 personnes supplémentaires d’ici 2030 prévues par le PLU-H vont venir à Lyon, qu’on le veuille ou non ! Il faut refaire de la maîtrise foncière, de la préemption, de l’achat et arrêter de brader le patrimoine des Lyonnais. La collectivité doit faire de la régulation, or jusqu’ici elle a joué le rôle d’accélérateur. »
Enfin, chez les socialistes, on estime aussi que la remise en cause du modèle de croissance n’est pas un positionnement sérieux. « On dénombre 60 000 demandeurs de logement dans la métropole », rappelle André Gachet, tête de liste dans le 1er arrondissement pour La Gauche unie. « Donc il faut bien booster la production, mais dans le bon sens et aux bons endroits, tout en maîtrisant les loyers de l’autre côté. C’est une évidence et une question de bon sens. On peut accueillir plus sans jamais exclure ! Toute la question est là. L’encadrement des loyers et la construction de logements adaptés ne font pas de mal à l’attractivité de la ville, au contraire. »
L’équipe de Gérard Collomb n’a pas répondu à nos sollicitations. L’ex-ministre de l’Intérieur, jouant sur sa réputation de grand bâtisseur, avait annoncé vouloir augmenter la production de logement social de 20 % pour répondre à la demande et à l’inflation des loyers. Le Rassemblement national n’a finalement jamais répondu à nos questions.

D'autres exemples en Europe

Pour Guillaume Faburel, « d’un point de vue statistique on peut résoudre la crise du logement en un claquement de doigts ! On compte autant de demandeurs de logements que de logements vacants aujourd’hui. On peut les réquisitionner, on peut encadrer les loyers… Il faut simplement imposer des règles, quitte à refroidir quelques ardeurs financières et spéculatives. »
Certaines grandes métropoles européennes dirigées par des élus de gauche ont déjà réagi. La ville de Berlin, où les prix ont doublé en dix ans, a par exemple décidé l’été dernier de geler ses loyers pour une durée de cinq ans. Barcelone, qui subissait de plein fouet l’inflation immobilière causée par la prolifération des Airbnb, a fait plier la plateforme en la menaçant de sanctions financières, en faisant fermer des milliers de locations sans licence touristique et en gelant l’attribution de ces dernières. La maire a également mis en place une brigade chargée de chasser les fraudeurs, comme le propose David Kimelfeld à Lyon. Enfin, à Paris comme à Lille, le plafonnement des loyers a déjà été mis en œuvre et va de nouveau être appliqué cette année. Anne Hidalgo, candidate à sa propre succession dans la capitale, qui a le m² le plus cher de France, a annoncé vouloir investir pas moins de 20 milliards pour racheter des immeubles et les remettre en location 20 % moins chers.
En 2019, la rapporteuse spéciale de l’ONU sur le logement convenable, Leilani Farha, a lancé le mouvement The Shift (« le tournant »), réunissant entre autres les maires de Barcelone et de Berlin, pour permettre aux grandes métropoles de s’unir et d’échanger leurs stratégies contre la hausse des prix du logement. En juin dernier, les organisateurs du Festival international du logement social ont lancé « L’appel de Lyon ». Le texte – signé entre autres par le maire adjoint de Paris chargé du logement, Ian Brossat, ainsi que par les maires de Barcelone, Lille et ou Nantes – demandait à l’UE de s’emparer du sujet en créant notamment un « fonds européen d’investissement spécifique au logement social et abordable pour soutenir et accompagner les investissements locaux et nationaux ».
Dans le documentaire d’Arte Push – Chassés des centre-villes, Leilani Farha, s’interroge : « La classe moyenne n’a plus les moyens de vivre en ville et de fournir les services nécessaires au fonctionnement de la ville. Je ne veux pas abuser du mot crise, mais ça y ressemble bien. Qui va vivre dans les villes ? A qui sont-elles destinées ? » Les élections municipales et métropolitaines diront peut-être si des réponses peuvent être trouvées à l’échelle lyonnaise.

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