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Date d'inscription : 09/10/2017
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14052022
Un collectif d’élèves d’AgroParisTech, prestigieuse école d’ingénieurs spécialisés dans le domaine du vivant, a prononcé un discours fort à l’occasion de la cérémonie de remise des diplômes, à Paris, le 30 avril dernier. 

Pour eux, il est urgent de « déserter«  les postes qu’on leur propose et qu’ils jugent « destructeurs » pour privilégier d’autres voies.  Ils se nomment « les Agros qui bifurquent »…


Depuis sa mise en ligne, mardi soir 10 mai, la vidéo de cet appel tourne en boucle sur les réseaux sociaux, avec plus de 650 000 vues. Passé les premières secondes de surprise, l’auditoire applaudit ces prises de parole très directes.
« Nous refusons de servir ce système » : des ingénieurs diplômés d’AgroParisTech appellent à déserter. La déclaration intégrale des 8  jeunes ingénieur.es d’AgroParisTech :
« Les diplômé.es de 2022 sont aujourd’hui réuni.es une dernière fois après trois ou quatre années à AgroParisTech. Nous sommes plusieurs à ne pas vouloir faire mine d’être fières et méritantes d’obtenir ce diplôme à l’issue d’une formation qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours. Nous ne nous considérons pas comme les « Talents d’une planète soutenable » [nouvelle devise d’AgroParisTech].
Nous ne voyons pas les ravages écologiques et sociaux comme des « enjeux » ou des « défis » auxquels nous devrions trouver des « solutions » en tant qu’ingénieur(e)s.
Nous ne croyons pas que nous avons besoin de « toutes les agricultures ». Nous voyons plutôt que l’agro-industrie mène une guerre au vivant et à la paysannerie partout sur terre. Nous ne voyons pas les sciences et les techniques comme neutres et apolitiques. Nous pensons que l’innovation technologique et les start-up ne sauveront rien d’autre que le capitalisme. Nous ne croyons ni au développement durable, ni à la croissance verte, et pas plus à « la transition écologique », une expression qui sous-entend que la société pourra devenir soutenable sans qu’on se débarrasse de l’ordre social dominant.
AgroParisTech forme chaque année des centaines d’élèves à travailler pour l’industrie de diverses manières : trafiquer en labo des plantes pour des multinationales qui renforcent l’asservissement des agricultrices et les agriculteurs ; concevoir des plats préparés et des chimiothérapies pour soigner ensuite les maladies causées ; inventer des labels « bonne conscience » pour permettre aux cadres de se croire héroïques en mangeant mieux que les autres ; développer des énergies dites « vertes » qui permettent d’accélérer la numérisation de la société tout en polluant et en exploitant à l’autre bout du monde ; pondre des rapports RSE (Responsabilité sociale et environnementale) d’autant plus longs et délirants que les crimes qu’ils masquent sont scandaleux ; ou encore compter des grenouilles et des papillons pour que les bétonneurs puissent les faire disparaitre légalement.
C’est pourtant ces débouchés qui nous ont été présentés tout au long de notre cursus à AgroParisTech. En revanche, on ne nous a jamais parlé des diplômé.es qui considèrent que ces métiers font davantage partie des problèmes que des solutions et qui ont choisi de déserter.
Nous nous adressons à celles et ceux qui doutent.
À vous qui avez accepté un boulot parce qu’« il faut bien une première expérience », à vous dont les proches travaillent à perpétuer le système, et qui sentez le poids de leur regard sur vos choix professionnels, à vous qui, assis.es derrière un bureau, regardez par la fenêtre en rêvant d’espace et de liberté, à vous qui prenez le TGV tous les week-ends, en quête d’un bien-être jamais trouvé, à vous qui sentez un malaise monter sans pouvoir le nommer, qui trouvez souvent que ce monde est fou, qui avez envie de faire quelque chose mais ne savez pas trop quoi, ou qui espériez changer les choses de l’intérieur et n’y croyez déjà plus.
Nous voulons vous dire que vous n’êtes pas seul.es à trouver qu’il y a quelque chose qui cloche… car il y a vraiment quelque chose qui cloche.

Nous aussi, nous avons douté, et nous doutons parfois encore. Mais nous refusons de servir ce système et nous avons décidé de chercher d’autre voies, de construire nos propres chemins.

Comment cela a-t-il commencé ?

Nous avons rencontré des gens qui luttaient et nous les avons suivis sur leurs terrains de lutte. Ils nous ont fait voir l’envers des projets qu’on aurait pu mener en tant qu’ingénieur.es. Je pense à Cristiana et Emmanuel, qui voient le béton couler sur leurs terres du plateau de Saclay, ou à ce trou desséché, compensation dérisoire à une mare pleine de tritons, et à Nico, qui voit de sa tour d’immeuble les jardins populaires de son enfance rasés pour la construction d’un écoquartier.

Ici et là, nous avons rencontré des personnes qui expérimentent d’autres modes de vies, qui se réapproprient des savoirs et savoir-faire pour ne plus dépendre du monopole d’industries polluantes ; des personnes qui comprennent leur territoire pour vivre de lui sans l’épuiser, qui luttent activement contre des projets nuisibles, qui pratiquent au quotidien une écologie populaire, décoloniale et féministe, qui retrouvent le temps de vivre bien et de prendre soin les uns et les unes des autres. Toutes ces rencontres nous ont inspiré.es pour imaginer nos propres voies.

– Je suis en cours d’installation en apiculture dans le Dauphiné.

– J’habite depuis deux ans à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes où je fais de l’agriculture collective et vivrière, entre autres choses.

– Je vis à la montagne où j’ai fait un boulot saisonnier et je me lance dans le dessin. On s’installe en collectif dans le Tarn, sur une ferme Terres de Liens, avec un paysan-boulanger, des brasseurs et des arboriculteurs.

– Je m’engage contre le nucléaire près de Bure.

– Je me forme aujourd’hui pour m’installer demain et travailler de mes mains.

Nous considérons que ces façons de vivre sont plus que nécessaires et nous savons qu’elles nous rendront plus fort.es et plus heureux.ses.

Mais de quelle vie voulons-nous ?
Vous avez peur de faire un pas de côté parce qu’il ne ferait pas bien sur votre CV ? De vous éloigner de votre famille et de votre réseau ? De vous priver de la reconnaissance que vous vaudrait une carrière d’ingé agro ? Un patron cynique, un salaire qui permet de prendre l’avion, un emprunt sur 30 ans pour un pavillon, tout juste 5 semaines par an pour souffler dans un gîte insolite, un SUV électrique, un fairphone et une carte de fidélité à la Biocoop ?

Ne perdons pas notre temps !
Et surtout ne laissons pas filer cette énergie qui bout quelque part en nous ! Désertons avant d’être coincés par des obligations financières. N’attendons pas que nos mômes nous réclament des sous pour faire du shopping dans le métavers, parce que nous aurons manqué de temps pour les faire rêver à autre chose.
N’attendons pas d’être incapable d’autre chose qu’une pseudo-reconversion dans le même taf, mais repeint en vert. N’attendons pas le 12e rapport du GIEC qui démontrera que les États et les multinationales n’ont jamais fait qu’aggraver les problèmes et qui placera ses derniers espoirs dans les révoltes populaires.
Vous pouvez bifurquer maintenant.
Commencer une formation de paysan-boulanger, partir pour quelques mois de woofing, participer à un chantier dans une ZAD ou ailleurs, vous investir dans un atelier de vélo autogéré, ou rejoindre un week-end de lutte avec les Soulèvements de la Terre… Ça peut commencer comme ça.
À vous de trouver vos manières de bifurquer. »
La vidéo intégrale de l’intervention des 8 jeunes ingénieur.es d’AgroParisTech ( 7’34 »)

Ce discours a été relayé par le leader de la Nouvelle Union populaire écologiste et solidaire (#Nupes), Jean-Luc #Mélenchonqui y voit « l’espoir le plus grand, que la nouvelle génération “déserte” le monde absurde et cruel dans lequel nous vivons ». Le chercheur François Gemenne (université de Liège), et contributeur pour le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), salue sur Twitter un « discours d’une exceptionnelle puissance », ajoutant : « Dans toutes les grandes écoles et universités, il y a quelque chose qui est en train de se passer. »
Article original paru sur le site Prendreparti.com - 

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Commentaires

Gilles Roman
La réaction officielle d'AgroParisTech :
"Établissement d'enseignement supérieur et de recherche, AgroParisTech a une mission de formation, de recherche, d’innovation, de transmission et de diffusion des connaissances. Nous formons des ingénieurs du vivant, amenés à évoluer dans la complexité et dont le métier sera d'imaginer, de concevoir et de déployer des solutions. Nous nous inscrivons donc résolument dans une démarche constructive et considérons que les solutions se trouvent dans le progrès de la science et des technologies tout autant que dans les usages qui en sont et seront faits.
Notre volonté est de contribuer à répondre aux défis posés par le changement global, les menaces sur la biodiversité ainsi que ceux d'une alimentation suffisante, saine et durable pour l’ensemble de la population.
Comme il n'y a pas aujourd’hui et qu’il n’y aura pas demain de réponse unique à tous ces défis, nous exposons nos étudiants à une multiplicité de points de vue et à la nécessaire diversité des solutions à trouver et à déployer, dans les champs de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt, des territoires et de l'environnement.
Nous ne sommes donc pas surpris par la diversité des points de vue exprimés au cours d'une cérémonie qui a duré 3 heures, car ils traduisent l’ampleur des controverses engendrées par les thématiques qu’enseigne AgroParisTech. Parmi nos diplômés, certains travaillent dans la recherche, dans des coopératives agricoles, d'autres s’installent comme exploitants agricoles, rejoignent des entreprises agro-alimentaires de toutes tailles, d'autres encore créent des start-up, déploient des politiques publiques au service des transitions, s’investissent professionnellement dans les domaines de la santé et de la nutrition humaine, gèrent et protègent les milieux naturels et forestiers ou travaillent à la valorisation de la biomasse.
Cette cérémonie, préparée par nos diplômés, a montré que notre établissement remplissait sa mission : aider nos étudiants à choisir le sens qu'ils souhaitent donner à leurs études et à leur parcours professionnel. L'intervention de ces 8 diplômés, comme celles – plus nombreuses – de leurs camarades qui ont choisi d’autres voies, confirme que l’enseignement d’AgroParisTech s’inscrit au cœur des enjeux et débats qui traversent notre société. C’est aujourd’hui plus vrai que jamais."
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