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Date d'inscription : 06/04/2012
http://www.lyon-politique.fr
13022021


Le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales est en cours d’examen devant l’Assemblée nationale. Il s’agit d’un texte fondamental qui a vocation à remplacer la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale et qui définit pour les cinq années à venir le cadre et les objectifs de la politique de développement de la France.
Si le projet de loi se réfère à la diplomatie féministe et établit l’égalité entre les femmes et les hommes comme l’un des objectifs transversaux de la politique de développement de la France, le Haut Conseil à l’Egalité relève toutefois que les ambitions du texte sont nettement insuffisantes et qu’elles ne sont pas à la hauteur des engagements forts pris par la France en matière de « diplomatie féministe » depuis 2018, ni même à la hauteur des efforts engagés depuis quelques années en matière de genre et développement.
Le Haut Conseil à l’Egalité souhaite souligner prioritairement trois points qu’il convient d’intégrer dans la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales:
1/ Faire de l’égalité femmes-hommes et des droits des femmes une réelle priorité transversale, inscrite au cœur de chacun de ses axes.
Le HCE constate que l’égalité femmes-hommes est posée dans ce projet de loi comme l’une des quatre priorités transversales de la politique de développement solidaire de la France.
Toutefois, les enjeux d’égalité femmes-hommes et de droits des femmes ne sont, par la suite, pas ou peu intégrés aux neuf autres axes prioritaires. Il est ainsi frappant de constater que l’axe « prévention des crises et fragilités » ne fait aucune mention des enjeux « femmes, paix et sécurité », pourtant portés hauts par la France dans le cadre multilatéral, que l’axe consacré aux défis environnementaux et climatiques ne fait pas état des enjeux spécifiques liés aux femmes (en contradiction avec les engagements pris par la France lors de l’adoption de la plateforme d’action de Pékin en 1995, dont l’un des 12 points est consacré à l’environnement) ou encore qu’ils sont totalement absents des axes liés à la croissance économique inclusive et durable ou à la gouvernance démocratique, économique et financière.
Les enjeux d’égalité et de droits des femmes, lorsqu’ils sont mentionnés dans certains axes, devraient être sensiblement renforcés en relation avec les engagements internationaux pris par la France. Le HCE rappelle ainsi que la France, qui co-organisera le Forum Génération Egalité en juin 2021, s’est engagée en tant qu’Etat champion de la coalition d’action dédiée aux droits sexuels et reproductifs sur une durée de 5 ans. Les positions ambitieuses portées par la France dans ce domaine devraient se refléter dans le projet de loi, en y incluant par exemple spécifiquement la mention du soutien de la France au droit à l’avortement, remis en cause dans certains Etats, ou encore à la lutte contre les mutilations génitales féminines.
Le HCE note que le projet de loi actuel est en retrait par rapport à la loi de 2014, qui intégrait la dimension transversale de l’égalité entre les femmes et les hommes en tant qu’élément central de la politique de développement française et soulignait que « les dix secteurs d’intervention de la France doivent prendre en compte, dans leurs objectifs, principes et indicateurs, l’égalité femmes-hommes. » Ces éléments devraient par ailleurs figurer dans le corps de la loi elle-même (art. 1 à 11) et non seulement de manière périphérique dans l’exposé des motifs et dans le cadre de partenariat global (CPG) qui accompagne la loi.
Il note également que les enjeux d’égalité femmes-hommes sont insuffisamment pris en compte dans les indicateurs du cadre de résultat. Ce dernier ne fait figurer qu’un seul indicateur relatif à l’égalité femmes-hommes, à savoir la « part de projets financés par la France ayant pour objectif l’égalité femmes‑hommes et l’autonomisation économique des femmes. ». Les indicateurs ne sont par ailleurs à ce stade pas désagrégés par sexe, à l’exception d’un seul (relatif à l’éducation).
Le HCE appelle à inscrire l’égalité femmes-hommes et les droits des femmes au cœur de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales en pleine cohérence avec les engagements de diplomatie féministe de la France.


Cela signifie :

  • Réaffirmer - dans le texte du projet de loi lui-même (art. 1 à 11) et non seulement dans le Cadre de Partenariat Global - l’égalité femmes-hommes et les droits des femmes comme principe directeur transversal et spécifique de la politique de développement et de solidarité internationale de la France.


  • Assurer la pleine intégration des enjeux d’égalité femmes-hommes dans chacun des axes prioritaires (4 priorités transversales, 6 priorités sectorielles) et dans le cadre de résultat (indicateurs, données désagrégées par sexe).


  • Aligner le niveau d’ambition avec les engagements internationaux de la France : intégrer explicitement, en matière de droits sexuels et reproductifs, la défense du droit à l’avortement et la lutte contre les mutilations génitales féminines.

2/ Renforcer sensiblement les objectifs en matière d’aide publique au développement genrée et les inscrire dans la loi en cohérence avec les engagements portés par la France et par l’Union européenne
Le projet de loi prévoit que « d’ici 2022, 100 % des projets et programmes de l’Agence Française de Développement devront être marqués genre et 50 % des volumes annuels d’engagements de l’Agence Française de Développement devront avoir le genre pour objectif principal ou significatif.»
Le HCE note que ces objectifs constituent un recul par rapport à loi de programmation précédente (2014), comme par rapport à la Stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018-2022) et aux conclusions du CICID de 2018.
La loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale du 7 juillet 2014 prévoyait en effet que, d'ici à 2017, 50 % de l’aide publique au développement bilatérale française totale - et non seulement de l’aide transitant par l’Agence Française de Développement- ait comme objectif principal ou significatif l'amélioration de l'égalité entre les femmes et les hommes. Cet objectif, non atteint en 2017, avait été repris à l’identique dans la Stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes et complété par une cible additionnelle de 700 millions d’euros annuels de programmes de l’AFD marqués 2 (c’est-à-dire ayant l’égalité femmes-hommes pour objectif principal) d’ici 2022, qui n’est pas mentionnée dans le projet de loi actuel.
Le HCE note que l’aide publique au développement de la France ayant pour objectif (spécifique ou principal) l’amélioration de l’égalité entre les femmes et les hommes, s’établissait à 26% (marqueurs 1 et 2 OCDE) dont 3% (pour l’aide marquée 2) selon les chiffres publiés par l’OCDE pour 2017-2018. Ce niveau d’aide genrée situe la France en-deçà de la moyenne des pays du comité d’aide au développement de l’OCDE (42% d’aide genrée pour 2017-2018, dont 4% marquée 2). Ces résultats sont également très en deçà des autres pays engagés dans une diplomatie féministe : Près de 90% de l’aide publique au développement de la Suède et du Canada ont pour objectif spécifique ou principal une amélioration de l’égalité femmes-hommes (marqueurs 1 et 2 OCDE) en 2017-2018, et près de 20% pour l’objectif principal.
Les objectifs portés par la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales doivent être en cohérence avec les objectifs européens, qui sont beaucoup plus ambitieux. Les objectifs prévus par la loi de programmation devraient être alignés avec les objectifs européens, auxquels le projet de loi se réfère pourtant : « Au niveau européen, la France défend une prise en compte ambitieuse des co‑bénéfices en matière de genre en soutenant l’objectif de 85 % de projets intégrant des co‑bénéfices genre, conformément aux objectifs du Plan d’Action Genre de l’Union européenne. »)
Par ailleurs, les objectifs en matière d’aide genrée devrait figurer dans le corps de la loi lui-même (art. 1 à 11) et non uniquement dans le cadre de partenariat global.
Le HCE appelle à fixer un objectif de 85% des volumes annuels d’engagements de l’aide publique au développement bilatérale française ayant l’égalité femmes-hommes pour objectif principal ou significatif (marqueurs 1 et 2 OCDE) d’ici 2025, en cohérence avec l’objectif européen, et 20% comme objectif principal (marqueur 2 OCDE). Ces objectifs devraient être inscrits dans le corps de la loi (art. 1 à 11).

3/ Intégrer dans la loi l’impact spécifique de la crise liée à la pandémie de Covid-19 sur les femmes et leur rôle dans les réponses à la crise.

La pandémie de Covid 19 a agi comme un puissant révélateur des inégalités structurelles fondées sur le genre tout en les exacerbant. Selon les mots du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, «les femmes seront sans doute le visage du profond ralentissement économique provoqué par la pandémie». Elles seront en effet davantage exposées aux conséquences économiques de cette crise, non seulement par le risque accru de chômage et de sous-emploi, mais aussi par la destruction de nombre d’emplois et par l’exclusion des femmes de certains secteurs économiques, dont les secteurs aujourd’hui les plus porteurs. » Plusieurs points d’attention ont été mis en lumière et accentués par la crise : l’impact sur le corps des femmes avec la recrudescence des violences conjugales liées en particulier aux mesures de confinement et un accès aux soins plus difficiles et une menace pour les droits sexuels et reproductifs des femmes ; l’impact sur l’accès à l’éducation des filles ; l’invisibilisation des femmes avec un manque de représentation et d’inclusion des femmes dans les médias mais aussi dans les différentes instances de décisions ; la division sexuée du travail et le rôle joué par les métiers du « care » invisibilisés et sous-payés, l’inégal partage du temps entre les femmes et les hommes.
La loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales mentionne à plusieurs reprises la crise liée à la pandémie de Covid 19. Elle doit également mentionner l’impact spécifique de la crise liée au Covid-19 sur les femmes, et prévoir la nécessaire implication des femmes et la prise en compte des enjeux d’égalité femmes-hommes et de droits des femmes dans les réponses à la crise.


Le Haut Conseil à l'Egalité (HCE) est l'instance nationale consultative indépendante chargée de la protection des droits des femmes et de la promotion de l'égalité des sexes. Créé en 2013, le HCE est inscrit dans la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017. Ses 54 membres représentent la diversité des acteurs et actrices des politiques d'égalité femmes-hommes. Le HCE apporte son expertise aux pouvoirs publics et mobilise la société à partir de son travail de concertation, d'évaluation des politiques publiques, de formulation de recommandations, et d'animation du débat public.
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