Brexit : Sylvie Guillaume et neuf autres députés européens expriment leurs inquiétudes à Theresa May
Ven 10 Fév - 11:09
Le député européenne Sylvie Guillaume a signé avec 9 autres députés européens de tous bords et nationalités, une lettre à Theresa May, la Première Ministre du Royaume-Uni.
"Nous lui avons fait part des incertitudes et peurs que de nombreux citoyens britanniques et européens nous ont exprimé quant à la sortie de leur pays de l’Union Européenne", indique l'Eurodéputée dans sa newsletter.
En effet, les européens vivant au Royaume-Uni ou les britanniques installés sur le continent sont confrontés à des situations parfois kafkaiennes.
Sylvie Guillaume propose une traduction officieuse de ce courrier ci-dessous. La version originale en anglais est également disponible :
Madame la Première Ministre,
Le 23 juin dernier, la majorité des électeurs britanniques a choisi de quitter l'Union européenne. La décision peut être saluée par certains, regrettée par d'autres, mais tout le monde reconnaît le droit du peuple britannique de décider de son propre avenir.
Cependant, le vote du 23 juin affecte également les près de trois millions de citoyens de l'UE vivant au Royaume-Uni, qui n'ont pas voté. Beaucoup de ces trois millions vivent au Royaume-Uni depuis des années ou des décennies. Ils sont tombés amoureux et se sont mariés au Royaume-Uni, ils ont eu des enfants, petits-enfants ou ont ont adopté des enfants au Royaume-Uni. Ils étudient et travaillent au Royaume-Uni ou ont créé une entreprise. Après avoir travaillé, ils ont pris leur retraite au Royaume-Uni et profitent de leurs vieux jours parfois en bonne santé, parfois moins. Ils ont leurs racines au Royaume-Uni. À travers leurs enfants, ils ont un lien indissoluble avec la Grande-Bretagne. Ces trois millions de personnes sont trois millions de citoyens précieux de la société britannique. Ils vivent dans votre pays, Madame la Première Ministre. Comme tous les autres citoyens britanniques, vos décisions détermineront leur sort.
Vous avez annoncé que les négociations du Brexit débuteront en mars. Nous ne savons pas quel en sera le résultat mais les gens qui se sont installés au Royaume-Uni sont confrontés à un sentiment intense d’insécurité. Ils ne savent pas à quoi s'attendre, quel sera leur statut. Beaucoup ont décidé de demander la résidence permanente ou la citoyenneté mais la procédure s'avère être un cauchemar. Elle est coûteuse et fastidieuse (le formulaire de demande comporte 85 pages, preuve que la bureaucratie n'est pas un monopole de l'UE) et les informations sont difficiles à trouver, manquent de clarté et sont souvent contradictoires. Les critères sont presque impossibles à remplir (par exemple: signaler chaque voyage à l'étranger pendant votre séjour au Royaume-Uni. Nous avons reçu un courrier de quelqu'un qui a vécu au Royaume-Uni pendant 47 ans. Comment peut-il répondre à cette exigence?) et pour certains, non conformes au droit communautaire. Les innombrables mails que nous recevons nous font part d’une réticence de la part des autorités de venir en aide à ces personnes et de leur fournir des informations. Dans certains cas, on nous rapporte même une attitude hostile. Presque comme si l'objectif était de faire quitter le pays au plus de gens possible.
Les histoires sont déchirantes. Certaines personnes ont été informées qu'elles devaient quitter le pays dans les six semaines. Les gens ont peur. Les parents craignent d'être séparés de leurs enfants. Les personnes âgées en mauvaise santé menacées d'expulsion. Des gens qui ont passé leur vie à travailler dans une petite entreprise se retrouvent au risque de perdre tout ce pour quoi ils ont travaillé. Des gens qui ne peuvent pas obtenir un emploi ou un prêt hypothécaire en raison de leur situation précaire. Ils ont peur de voyager à l'étranger pour des séjours d’affaires ou familiaux parce qu’ils craignent de ne pas être autorisés à rentrer. Leur seul crime est pourtant de ne pas être des citoyens britanniques. Ils sont venus chez vous, Madame May, parce qu'ils aimaient le Royaume-Uni et son peuple et qu'ils étaient accueillis avec un statut protégé. Ils ont fait confiance au Royaume-Uni et à sa réputation vieille de plusieurs siècles de droit et de bonne administration. Mais maintenant ils se retrouvent traités comme des étrangers indésirables, des parias.
Nous ne discuterons pas ici de la légalité de la politique. Nous discuterons de cela dans un autre contexte et nous attendons avec intérêt un échange de vues avec vous prochainement au Parlement européen. Mais nous vous exhortons à faire en sorte que les personnes qui ont été de précieux membres de la société britannique obtiennent le traitement décent et humain qu'ils méritent. Nous vous demandons de récompenser le dévouement et la contribution de ces personnes à la Grande-Bretagne et de veiller à ce que les autorités fassent tout pour fournir clarté, certitude et toute l'assistance nécessaire pour aider ces gens à continuer à vivre sans perturbations inutiles.
Nous vous demandons également d'assurer aux citoyens de l'UE vivant au Royaume-Uni que leurs droits en tant que citoyens de l'UE seront pleinement respectés tant que le Royaume-Uni sera membre de l'Union européenne et même lorsque l'article 50 aura été déclenché.
Inversement, le million et demi de citoyens britanniques résidant dans d'autres pays de l'UE méritent également votre soutien. En tant que députés européens, nous représenterons également leurs intérêts et veillerons à ce qu'ils ne soient pas pénalisés pour une décision qui les affecte mais dans laquelle beaucoup d'entre eux n'ont aucune part.
Ce n'est pas une question de politique de partis ou de stratégie politique. Tout cela concerne de vraies personnes, pas des pions dans une négociation. Il s'agit des valeurs humaines fondamentales, de décence ordinaire. Il s'agit de traiter les gens comme on voudrait être traité soi-même.
Madame la Première ministre, nous vous adressons cet appel au nom des quelque trois millions de citoyens de l'UE vivant au Royaume-Uni et des plus d'un million et demi de Britanniques vivant dans les pays de l'UE. Il y a près de cinq millions de personnes réelles, anxieuses et effrayées par l'avenir. Nous comptons sur vous pour les aider.
Sophie in’t VeldGroupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe ; Pays-Bas
Catherine Bearder
Groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe ; Royaume-Uni
Cecilia Wikström
Groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe ; Suède
Jean Lambert
Groupe des Verts/Alliance libre européenne ; Royaume-Uni
Yannick Jadot
Groupe des Verts/Alliance libre européenne ; France
Sylvie Guillaume
Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen ; France
Seb Dance
Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen ; Royaume-Uni
Claude Moraes
Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen ; Royaume-Uni
Brando Benifei
Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen ; Italie
István Ujhelyi
Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen ; Hongrie
Version originale en anglais : letter to PM May signed version
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