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Gilles Roman
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Les survivant·e·s du massacre de Zogota en Guinée saisissent la justice française Empty Les survivant·e·s du massacre de Zogota en Guinée saisissent la justice française

Mar 31 Oct - 15:19
Avec le soutien des associations Sherpa, Les Mêmes Droits pour Tous, et Advocates for Community Alternatives, les survivant·e·s du massacre perpétré en 2012 par les forces de sécurité guinéennes ont saisi le Tribunal Judiciaire de Paris. Leur objectif : faire reconnaître un jugement rendu en leur faveur par la Cour de Justice de la CEDEAO (Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest), afin de pouvoir obtenir son exécution forcée en France.
Le massacre de Zogota
Le village de Zogota, en Guinée, est situé aux abords d’un site d’exploration de minerais de fer contrôlé en 2012 par VBG, une société minière détenue par le géant brésilien Vale et par le groupe du magnat franco-israelien Beny Steinmetz, BSG Resources. À l’époque, un conflit opposait les habitant·e·s de Zogota à VBG au sujet de dommages environnementaux, du non-respect de promesses d’embauche de jeunes de la région, et de la mauvaise gestion des montants versés par l’entreprise pour le développement local.
Dans la nuit du 3 au 4 août 2012, la veille d’une réunion proposée par le gouvernement pour résoudre le conflit, les forces de sécurité guinéennes ont attaqué le village, ouvert le feu sur les habitant·e·s, et mis le feu aux habitations. Cinq personnes ont été tuées dans la nuit, une sixième a succombé à ses blessures peu après, et plus d’une douzaine ont été arrêtées puis torturées par les forces de l’ordre.
À la suite de ce massacre, les survivant·e·s et les familles des personnes décédées ont porté plainte contre les membres des forces de sécurité impliquées (militaires, policiers et gendarmes) et contre la société VBG, accusée d’avoir fourni du matériel aux assaillants. Cependant, les autorités guinéennes n’y ont pas donné suite et, onze ans plus tard, l’enquête est encore au point mort.
« Après tout ce que nous avons fait, nous n’avons pas pu obtenir justice. L'État guinéen n'avait pas la volonté de faire la lumière sur ce qui s'était passé », a déclaré Kpakilé Gnadéwolo Kolié, président de la commune de Zogota et porte-parole des victimes.
Une quête de justice pour les survivant·e·s
Face à l’inertie du système judiciaire guinéen, les survivant·e·s et les familles des personnes décédées ont saisi la Cour de Justice de la CEDEAO, qui a rendu son jugement le 10 novembre 2020. La cour a estimé que la Guinée avait violé ses obligations internationales en matière de droits humains et l’a condamnée à verser 4,56 milliards de francs guinéens aux plaignant·e·s. Trois ans plus tard, ce jugement n’a toujours pas été exécuté.
« Une justice retardée est un déni de justice », souligne Frédéric Loua, Directeur exécutif de l’association guinéenne Mêmes Droits pour Tous (MDT), qui a accompagné les plaignant·e·s devant les juridictions guinéennes et régionales.Aujourd’hui, les survivant·e·s du massacre, avec le soutien des associations Sherpa, MDT et Advocates for Community Alternatives (ACA), ont saisi le Tribunal judiciaire de Paris d’une demande d’exequatur
Cette procédure vise à faire reconnaître le jugement de la Cour de la CEDEAO en France afin d’en obtenir son exécution forcée, au même titre qu’un jugement français. Une exécution forcée permettrait de saisir certains biens de l'État guinéen en France, pour exécuter la condamnation prononcée par la Cour de la CEDEAO.
Selon Lucie Chatelain, responsable contentieux et plaidoyer de Sherpa, « l’impunité en la matière n’est pas seulement due à la difficulté d’avoir accès à la justice lorsque des violations sont commises en lien avec les activités d’entreprises multinationales, mais également au fait que, lorsque condamnation il y a, ces décisions ne sont pas exécutées. »
En dépit de leurs obligations internationales, les États ignorent régulièrement les condamnations des juridictions internationales en matière de droits humains. « Une ordonnance d'exequatur du tribunal de Paris donnerait de l'espoir aux victimes de violations des droits humains partout dans le monde », conclut Lalla Touré, directrice juridique de l'ACA, « Nous comptons sur le système juridique français pour aider à transformer la décision de la Cour de la CEDEAO en une justice civile concrète pour les survivants et survivantes du massacre de Zogota ».
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